Un palais sans public ? Une institution culturelle face à la crise
Le public est l’essence même des lieux culturels. Une exposition sans visiteur...
Cet article a été publié dans la revue PAROLE PUBLIQUE n°27 de novembre 2020 à découvrir ici.
Le public est l’essence même des lieux culturels. Une exposition sans visiteur, une représentation sans spectateur et c’est tout l’édifice qui menace de s’effondrer. La culture a horreur du vide. Chaque institution culturelle tente d’attirer à elle des publics, toujours plus nombreux. Le Palais de la Porte Dorée n’échappe pas à la règle. Cet établissement parisien atypique, qui réunit un monument, l’Aquarium tropical et le Musée national de l’histoire de l’immigration, accueille 500 000 visiteurs par an. Et ce début d’année 2020 s’annonce sous les meilleurs auspices avec l’exposition Christian Louboutin, l’exhibition[niste] qui retrace le travail et les inspirations de ce créateur fasciné par le lieu depuis son plus jeune âge. La couverture presse exceptionnelle, du 20h de TF1 au New York Times, doublée d’un excellent bouche-à-oreille, laisse présager de nouveaux records de fréquentation.
Pourtant.
Vendredi 13 mars, 17h30. Le Palais ferme ses portes. Les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits. Les annonces gouvernementales s’accélèrent jusqu’à la mise en place du confinement. La Covid 19, né quelque part à Wuhan en Chine, a mis le pays à l’arrêt. Au Palais, changement d’ambiance. L’effervescence laisse la place au silence. L’imposant monument est privé de sa raison d’être. Toute la programmation est annulée ou reportée. Plus de visiteurs. Seuls les agents de sécurité et aquariologistes veillent sur les oeuvres et les collections vivantes. Le reste des équipes assure, à distance, la continuité des activités.
L’effervescence laisse la place au silence. L’imposant monument est privé de sa raison d’être.
Et le public alors ? Le Palais est-il un lieu de « première nécessité » ? Les visiteurs/internautes n’ont-ils pas mieux à faire en cette période troublée ? Sans doute. Certainement même ! Et les agents de l’Établissement ? Quel sens donner à son travail avec un Palais fermé « jusqu’à nouvel ordre » ? Comment s’animer ? Mieux, l’Établissement a-til des choses à raconter, éclairer, sur la pandémie et la crise économique et sociale qui s’annonce ?
Dès les premiers jours, une intuition anime les agents du Palais. Il faut maintenir le lien. Entre soi et avec les autres. Raconter des histoires. S’offrir un peu de répit, de souffle, de culture au milieu du flot d’informations anxiogènes qui déferle sur les écrans. Évidemment, ce lien sera virtuel. Mais il sera juste, authentique et innovant. Dans le ton. Sur la forme. Et deux décisions majeures guideront cette période : 1/ communication interne et externe ne font qu’un 2/ le Palais doit s’inscrire dans l’actualité et apporter son éclairage.
La newsletter mensuelle destinée aux 50 000 abonnés devient hebdomadaire et change de nom « #restezchezvous », on s’occupe de tout ! L’objectif ? Mettre en lumière le travail méconnu des agents, raconter par leur intermédiaire les coulisses du monument, expliquer les trucs et astuces des espèces aquatiques pour survivre en milieu hostile, offrir des activités récréatives à réaliser en famille, redécouvrir certaines expositions et œuvres du musée dont les thématiques sonnent en écho avec l’actualité.
En parallèle, le Musée national de l’histoire de l’immigration lance le Musée part en live pour des débats en direct et sur le web, animés par le journaliste Renaud Dély. Au menu « Migrations et Covid-19 : le grand retour des frontières ? », « Migrants, quartiers populaires, les boucs émissaires du Covid-19 ? », « Migrants et Covid-19 : tous égaux face au virus ? ». Au total, 20 000 connexions avec la possibilité d’interpeler en direct les invités. Côté Aquarium tropical, 20 000 personnes assistent à la quatrième édition de la Fête de l’Océan animée par Fred de l’esprit sorcier à travers plus de quinze duplex en France métropolitaine et outre-mer. Pour (re)dire la fragilité des écosystèmes, épargnés (mais pour combien de temps ?) par la mise en pause forcée des activités humaines.
Pour toutes ces offres, les audiences en plus d’augmenter se diversifient : les régions représentent la moitié des connexions et les femmes et les moins de 35 ans sont majoritaires.
Il faut maintenir le lien. Entre soi et avec les autres. Raconter des histoires.
Peu à peu, l’étau du confinement se desserre. L’Établissement travaille activement à sa réouverture qu’il souhaite rapide et sans accroc. Il faut rassurer les publics. (Re)donner envie. Avec le maintien du lien, en interne, comme externe, tout est facilité. À nouveau, les agents du Palais sont mis à contribution. Ce seront eux les stars du clip de réouverture : les petites mains, ceux que l’on ne voit pas habituellement. Agents d’entretiens, de sécurité, d’accueil et médiateurs sont mis à l’honneur dans les espaces majestueux du monument. Tout le parcours de visite est revu avec marquage au sol, mise à distance, réservation obligatoire.
Mardi 16 juin 2020. Feu vert. Tout est prêt. Les premiers visiteurs patientent devant les grilles. Les portes du Palais, in fine jamais complètement closes, s’ouvrent à nouveau. Bienvenue chez vous !
À nouveau, les agents du Palais sont mis à contribution. Ce seront eux les stars du clip de réouverture.