Fribourg : communication de crise à l’heure de la pandémie
Le coronavirus a mis le monde dans un état d’alerte générale. Données et émotions se sont en permanence côtoyées...
Cet article a été publié dans la revue PAROLE PUBLIQUE n°27 de novembre 2020 à découvrir ici.
Le coronavirus a mis le monde dans un état d’alerte générale. Données et émotions se sont en permanence côtoyées. Pour les équipes de communication de crise des hôpitaux universitaires et des hôpitaux en général, la préoccupation essentielle a consisté à rester calme et à fournir les explications nécessaires non seulement en externe mais surtout en interne.
On lui aurait dit de source sûre qu’un patient atteint du Covid serait décédé tout récemment, que les collaborateurs devraient porter des combinaisons de protection, qu’il ne serait plus possible pour eux de garder le secret…
L'hôpital universitaire de Fribourg a accueilli par moment le plus grand nombre de patients Covid de toute l’Allemagne : une situation exceptionnelle non seulement pour l’ensemble des collaborateurs des soins de santé mais aussi pour la communication corporate de l’hôpital. La crise du corona a été et continue d’être une crise de la communication, extrêmement exigeante pour tous les communicants.
La fébrilité commence souvent par une rumeur, comme par exemple dans ce cas de figure : le quotidien régional prend contact avec le service presse de l'hôpital ; on lui aurait dit de source sûre qu’un patient atteint du Covid serait décédé tout récemment, que les collaborateurs devraient porter des combinaisons de protection, qu’il ne serait plus possible pour eux de garder le secret… Seulement, dans notre hôpital universitaire, à cette époque-là, il n’y avait absolument aucun patient atteint du Covid, encore moins donc mort du Covid !
Que s’était-il donc passé ? Une équipe de télévision du Südwestrundfunk (SWR) cherchait simplement à tester ce qu’il se passerait aux urgences si un patient suspecté de coronavirus devait se présenter. Au cours de ce test, le journal régional a supposé que le premier patient atteint de la covid était à l’hôpital. Dans ce cas précis, la demande déjà très surprenante de la rédaction a pu être rapidement satisfaite et nous avons pu calmer le jeu.
Des tweets en provenance du secteur isolement
Quelques jours plus tard, nous avons effectivement accueilli les premiers patients atteints du Covid, mis en isolement. L’équipe de la communication institutionnelle a fourni des informations de manière traditionnelle par le biais de communiqués de presse et a répondu aux questions de la presse. Au cours du week-end, un des patients isolés a ouvert un compte Twitter et twitté sur sa situation à l'hôpital universitaire de Fribourg, il a expliqué ce qui n'allait pas et a posté des photos des locaux. Peu de temps après, il a donné les premières interviews à la presse par téléphone. Cette situation a montré combien il est important d'observer une autre règle de base de la communication de crise : la surveillance - non seulement des médias traditionnels mais aussi des réseaux sociaux. En conséquence, les équipes de la communication institutionnelle ont identifié le patient concerné et ont pu discuter avec lui - par téléphone - des règles de confiance à observer pendant son traitement, que le patient a suivies par la suite.
La crise du Corona a été et continue d’être une crise de la communication, extrêmement exigeante pour tous les communicants.
À partir de la fin février, la situation s'est aggravée. Les premières projections du nombre de lits de soins intensifs nécessaires étaient connues. Ces informations étaient mises à jour pratiquement 24 heures sur 24. Et il y avait un travail de communication particulièrement intensif. Les demandes presse ont explosé dans les semaines qui ont suivi. En trois mois, nous avons reçu plus de demandes presse que pendant toute l'année 2019 ! Autre fait marquant : à la mi-mars, l'hôpital universitaire de Fribourg a été l'un des premiers hôpitaux allemands à admettre des patients français atteints de Covid-19. Rien qu'en provenance de France, il y a eu une quinzaine de demandes presse. Des équipes de télévision se sont déplacées directement devant les portes de l’établissement pour accompagner l'arrivée des patients français.
Il est important d'observer une autre règle de base de la communication de crise : la surveillance - non seulement des médias traditionnels, mais aussi des sociaux
Nous avons essayé de répondre à toutes les demandes. Les journalistes ont d'abord dû s'habituer au fait que les interviews n'étaient possibles que devant le bâtiment ou dans un couloir, mais pas dans le service comme c’était le cas auparavant. Nous n'avons fait qu'une seule exception ici : un journaliste de la SWR a été « embarqué » pour ainsi dire à l'hôpital universitaire de Fribourg. Nous lui avons autorisé la liberté de se déplacer avec sa caméra dans l'hôpital pendant plusieurs semaines, même dans les unités de soins intensifs. Nous entretenons depuis longtemps une relation de grande confiance avec ce journaliste - lui-même médecin - qui travaille avec nous depuis de nombreuses années. Les images ainsi réalisées ont été en partie utilisées dans les Brennpunkten (Points chauds) et les Tagesschau (Journal du soir) de l'ARD (1ère Chaîne de télévision allemande).
Nous avons eu recours à un centre d'appel externe. Lors des pics d’activités, on dénombrait environ 600 appels par jour.
Objectif numéro 1 : la communication interne
C’est sans nul doute la communication interne avec les 12 000 employés de notre établissement qui a été notre plus grand défi. Au début de la crise, il y avait de nombreuses craintes. Nous avons dû communiquer en permanence pour y faire face en apportant les réponses aux questions sur les équipements de protection et les normes d'hygiène : FAQ sur l'intranet, bulletins d'information, mais aussi messages vidéo du directeur médical en chef aux employés sont autant d’outils de communication interne que nous avons déployés. Les changements extrêmement rapides dans la façon de travailler ou les mesures à prendre en considération restent un véritable défi en termes de communication interne.
Et puis, il n’a plus été possible de traiter les demandes de communication externes et internes au département de virologie, au sein même du service médical de l'établissement et de la communication. Nous avons eu recours à un centre d'appel externe pour fournir aux appelants des informations à l'aide de feuilles de route que nous avions élaborées. Lors des pics d’activités, on dénombrait environ 600 appels par jour.
Un autre défi consistait à ne communiquer que les informations les plus importantes. Nous avons dû en permanence prioriser car si l'on communique trop, cela ne produit que de la confusion. Dans ce processus très dynamique, de nombreuses informations ont vu leur durée de vie écourtée, ce qui a renforcé l’incertitude des collaborateurs.
Le degré « d’excitation » n’a jamais faibli. Nous avons également dû prendre plus en compte le facteur émotionnel.
Une crise particulière.
Cette crise est particulière : le degré « d’excitation » n’a jamais faibli. Nous avons également dû prendre davantage en compte le facteur émotionnel. Je suis curieux de voir comment la communication pendant la crise sera rétrospectivement évaluée. Au sein du département de la communication, nous réfléchissons aussi à ce que nous aurions dû mieux préparer, à ce que nous aurions pu mieux faire.