« La parole publique face au populisme »
Avec Mathieu Souquière, co-auteur du livre "2022 La flambée populiste"
Mathieu Souquière, consultant, expert-associé auprès de la Fondation Jean Jaurès, directeur de collection aux Editions de l'Aube
Le populisme prospère sur le discrédit de la parole publique, pas seulement politique, et sur l'écart entre la réalité et la représentation de cette dernière, sur le sentiment (d'insécurité, de déclassement, de "décadence"...) et le ressentiment exprimés par l'opinion, sur l'efficacité d'un discours simpliste et radical face à la complexité du monde et de ses enjeux. Jusqu'où ? Comment l'arrêter ?
Le fond de l'air n'a jamais été aussi populiste : s'il l'était déjà à un niveau inédit lors de la dernière présidentielle (les populistes flirtant avec les 50% au premier tour), cette rentrée politique indique qu'il l'est encore bien davantage 5 ans plus tard, à l'issue d'une crise sociale majeure - celle des gilets jaunes, aux relents populistes indéniables - et d'une crise sanitaire sans précédent dans l'histoire - qui, des antivax aux adorateurs du Pr Raoult, a contribué à amplifier encore la vague populiste.
En cette rentrée, la flambée sondagière et médiatique liée à l'irruption brutale d'un candidat prétendument "hors système" - que d'aucun comparent à Trump - et mettant l'extrême-droite autour de 35% pour la première fois, traduit bien la confirmation de cette flambée populiste.
Celle-ci vient percuter le débat public de dangereuse façon en imposant une lecture simpliste du monde - l'opposition irréconciliable du peuple et des élites, celui-là étant trahi par celles-ci -, une clé d'explication qui fait la part belle au complotisme - la trahison consciente des élites qui peut aller jusqu'aux hypothèses d'un "great reset" ou d'un "grand remplacement" - et qui sous-tend une radicalité inédite dans le discours public.
Le populisme, c'est ce qui rend la tâche si difficile à ses adversaires, prospère sur le discrédit de la parole publique, sur l'écart entre la réalité et la représentation de cette dernière, sur le sentiment (d'insécurité, de déclassement, de "décadence"...) et le ressentiment exprimés par l'opinion, sur l'efficacité d'un discours simpliste et radical face à la complexité du monde et de ses enjeux.