Face aux crises, la proximité comme antidote
Notre planète traverse une crise sans précédent. Plusieurs mois durant, de nombreux États ont décidé de mettre à l’arrêt une partie de l’économie pour sauver des vies...
Cet article a été publié dans la revue PAROLE PUBLIQUE n°27 de novembre 2020 à découvrir ici.
Notre planète traverse une crise sans précédent. Plusieurs mois durant, de nombreux États ont décidé de mettre à l’arrêt une partie de l’économie pour sauver des vies et éviter de saturer notre système de santé, notamment les services de réanimation. Alors que cette crise sanitaire inédite n’est pas encore derrière nous, nous commençons à peine à entrevoir la violence de la crise économique et sociale qui va s’abattre sur notre pays dans les mois à venir. En France, comme dans la plupart des États, le Gouvernement a décidé de mettre en place un plan de relance de grande ampleur. Au-delà de ces investissements massifs nécessaires, la proximité peut être l’une des réponses aux crises multiples que nous traversons.
La crise sanitaire a mis en exergue la puissance et la force de frappe de l’État providence, mais elle a aussi pu, parfois, montrer les limites d’une organisation de l’État trop centralisée. À l’inverse, les observateurs s’accordent pour saluer l’efficacité dont ont fait preuve les collectivités territoriales et les élus locaux dès le début de cette crise.
Les collectivités locales, notamment les communes, ont su faire preuve d’agilité et s’adapter très rapidement à un contexte évolutif.
Les collectivités locales, notamment les communes, ont su faire preuve d’agilité et ont su s’adapter très rapidement à un contexte évolutif. Lorsque le confinement a été décrétée, elles ont dû en quelques heures mettre en place des cellules de crise et assurer la continuité des services publics essentiels (collecte des déchets, fonctionnement de la police municipale, état civil …). Il a également fallu organiser le fonctionnement des services municipaux et le télétravail d’une partie des agents. Les collectivités y sont parvenues, malgré le fait qu’elles n’y étaient pas nécessairement préparées. Enfin, le confinement a conduit à isoler un certain nombre de nos concitoyens, les collectivités ont donc dû organiser localement la solidarité.
Peu de temps après, ce sont également les collectivités qui sont parvenues à confectionner des masques grâce à l’aide d’agents municipaux et de bénévoles ou à trouver des circuits d’approvisionnement adaptés pour en commander, alors même que le marché était en forte tension dans le monde entier.
Cette efficacité de la proximité, c’est l’un des enseignements de cette crise. Très vite, le Gouvernement a d’ailleurs fait le choix de faire reposer une grande partie de la stratégie de déconfinement sur le couple « Préfet-Maire ». Une décision logique quand il s’agit de faire face à une épidémie qui ne touche pas le territoire français de manière uniforme. Une manière aussi de remettre en lumière la diversité des réalités territoriales.
Si les acteurs de terrain ont joué un rôle central dans la gestion de la crise sanitaire, cette culture française de la proximité doit être appelée à se développer car elle permet également de répondre à d’autres crises structurelles. Dans les petites villes, les élus locaux plébiscitent une nouvelle relation avec l’État, basée sur la confiance et le respect, après des années d’une méfiance mutuelle. Il ne s’agit pas seulement de renforcer l’autonomie financière et fiscale accordées aux collectivités territoriales, de leur transférer de nouvelles compétences ou de développer l’expérimentation et la différentiation territoriale, mais également de renforcer la présence de l’État sur les territoires et développer une véritable culture de la proximité dans l’administration centrale. Le projet de loi « 3D » (décentralisation, différenciation et déconcentration) porté par la ministre de Jacqueline Gourault doit apporter des réponses concrètes à ces problématiques.
Après la crise des gilets jaunes, une prise de conscience s’était manifestement opérée chez un certain nombre de décideurs.
Après la crise des gilets jaunes, une prise de conscience s’était manifestement opérée chez un certain nombre de décideurs. Nous avions ainsi pu observer une forme de changement de logique avec la création de nombreux postes de fonctionnaires en régions, après des années d’un mouvement inverse. Avec la crise économique, se pose la question de l’utilisation qui sera faite des 100 000 milliards d’euros consacrés au plan de relance. Le Gouvernement a bien intégré cet enjeu et a d’ailleurs décidé de nommer des sous-préfets chargés de la relance dans les territoires. Une manière de « territorialiser » le plan de relance.
Au-delà, la proximité est également indispensable pour faire face à deux autres défis majeurs : la crise de confiance et la crise écologique.
Si la situation sanitaire explique sans doute en grande partie la très faible participation au premier et au second tours des élections municipales, les ressorts de l’abstention sont plus profonds. Le sentiment de défiance des français vis-à-vis des élus locaux d’une part et de la puissance publique d’autre part, n’a eu de cesse de se développer. La révolution numérique que nous avons connu avec l’émergence de nouveaux moyens de communication, le développement des réseaux sociaux, la multiplication des médias et des chaines d’information en continu a contribué à accélérer le temps et, d’une certaine manière, à creuser un peu plus le fossé entre les citoyens et les élus, plus globalement entre le peuple et les élites. Le lien de confiance était fragile, aujourd’hui pour de nombreux Français il est rompu. Le développement des théories du complot les plus absurdes en témoigne. Comme le montre chaque année l’enquête du CEVIPOF, le maire est l’élu auquel les Français accordent le plus leur confiance, à l’inverse le député européen est l’élu auquel ils font le moins confiance. La distance entretient la défiance. La proximité permet de l’atténuer.
Si la crise écologique est globale, l’absence de volontarisme d’un certain nombre d’États en matière de lutte contre le changement climatique et la puissance de nombreux lobbys industriels qui militent contre toutes les formes de régulation en matière environnementale pourraient conduire à la résignation. L’une des réponses pour éviter cette résignation et pousser les États les moins volontaires à être plus ambitieux, est encore une fois sans doute la proximité. C’est peut-être par la multiplication des actions écologiques locales que nous parviendrons à faire émerger un nouveau modèle de développement respectueux de la planète et de ses ressources limitées.
La distance entretient la défiance. La proximité permet de l’atténuer.
Cette révolution de la proximité doit être accompagnée et pensée. La communication publique et ses professionnels ont un rôle majeur à jouer. Même en temps de crises, l’horizontalité et la proximité ne sont pas des ennemis de la communication publique.