La communication publique en Belgique, aux temps troubles de la Covid-19
La crise sanitaire sans précédent qu’a traversée le monde en 2020 a impacté toutes les sphères de la société...
Cet article a été publié dans la revue PAROLE PUBLIQUE n°27 de novembre 2020 à découvrir ici.
La crise sanitaire sans précédent qu’a traversée le monde en 2020 a impacté toutes les sphères de la société : remise en avant de métiers dans l’ombre et négligés en temps routiniers, contestation et méfiance encore accrues envers les autorités, polémiques entre scientifiques face à l’inconnu, bousculement des temporalités. Les services de communication ont été rapidement embarqués dans l’aventure, avec les mêmes traits marquants que de coutume, mais poussés à la caricature : comme souvent, en temps de crise, les curseurs se déplacent en intensité, sans qu’on repense nécessairement la table de mixage. Ce temps devrait venir d’urgence, sans s'abriter derrière le double prétexte classique : en crise, on n’en a pas le temps ; hors crise, tout roule, on a d’autres priorités !
Nous espérons que dans les bilans qui se dressent partout, et déjà dans ces colonnes, la voix des communicants se fasse mieux entendre pour que leur participation à la chaîne de décisions soit définitivement acquise.
En positif : la communication, enjeu essentiel, coordination et innovation
En effet, pendant ces quelques mois, en Belgique, par arrêté ministériel, la communication et l’information ont fait partie d’une liste restreinte des « activités essentielles », qu’il convenait de poursuivre quoi qu’il en soit. Aidés par les technologies numériques déjà bien intégrées dans les outils de communication, et avec l’appui des médias, qui à l’envi et parfois à l’excès y consacrèrent de larges espaces, les services de communication, placés en télétravail au plus fort du confinement, ont fait tourner avec beaucoup d’efficacité et de réactivité la machine de la communication : lettres internes, réseaux sociaux, sites web, courriels ciblés, vidéos, photos, outils et canaux sont venus combler le besoin d’information et de ré-assurance.
En Belgique, par arrêté ministériel, la communication et l’information ont fait partie d’une liste restreinte des « activités essentielles ».
Fait marquant, le déclenchement de la phase de crise a replacé l’État fédéral à la manœuvre et a poussé, dans une certaine mesure inédite et efficace, à une forte coordination de la communication, à des contacts renouvelés entre responsables de communication publique des différents niveaux de pouvoir, afin de relayer les messages communs.
Chaque Région ou Communauté a cependant et fort logiquement pris un certain nombre d’initiatives singulières, en fonction de ses priorités et de ses publics, par exemple les jeunes en communauté germanophone, ciblés d’emblée, ou la traduction en de multiples langues pour atteindre les populations diversifiées de la Région de Bruxelles capitale, ou encore l’investissement massif en espaces médias de la communication flamande, ou enfin l’attention particulière pour intégrer tous les publics en Région wallonne, notamment à travers une initiative sur laquelle je reviendrai, le 1718 urgence sociale, ou encore l’innovation en termes d’outils (une émission de radio interne par exemple, pour maintenir le contact entre les agents, au sein du service régional wallon de l’emploi, le Forem).
Parallèlement, afin de gérer au plus près les conséquences successives de la crise, les services de support se sont fortement rapprochés et coordonnés (RH, informatique, gestion immobilière et mobilière, juridique, communication) et du coup chacun de ces métiers a été mieux compris et davantage accepté et reconnu par les autres. C’est un bénéfice à long terme sur lequel il faut s’appuyer pour déployer des offres de service plus intégrées.
Implication de la communication le plus en amont de l’action et des décisions des autorités politiques et publiques, pour comprendre et traduire la complexité avec pédagogie et orientation usagers.
La communication interne a montré toute son importance, les outils ont révélé leurs performances (rapidité, communication de masse, l’information comme socle de l’organisation), mais aussi leurs limites (la modification des comportements continue d’exiger des investissements fort et permanents, mais sans lasser les convaincus !).
Bref, après avoir montré sa pertinence, sa capacité d’adaptation, sa réactivité à toute heure, la communication publique peut et doit s’exprimer ouvertement, pour modifier la donne dans le sens escompté depuis de nombreuses années par nos associations :
- Reconnaissance de l’importance de la connexion avec le terrain et du point de vue de l’usager (les citoyens, les agents) ;
- Importance du multicanal, du multilingue, du multi-tout, pour atteindre tous les publics ;
- Implication de la communication le plus en amont de l’action et des décisions des autorités politiques et publiques, pour comprendre et traduire la complexité avec pédagogie et orientation usagers ;
- Investissement permanent dans les compétences et dans les outils pour qu’ils soient prêts.
Je conclurai à cet égard par un exemple :
Afin d’atteindre et de mieux connaître l’usager, dans sa diversité d’approches, les services de communication ont mis en place des stratégies multicanales performantes. Elles ont un coût. Mais aussi une pertinence, une utilité qui méritent qu’on continue d’y investir. La Wallonie amis ainsi en place, dès 1989, un numéro d’appel unique et, dans la foulée, des centres d’information et d’accueil, devenus Espaces Wallonie (10 en Wallonie aujourd’hui), sortes de Maisons du citoyen (information, conseil spécialisé et transaction, accompagnement vers le numérique, etc.). À certains moments, et très légitimement, ces structures ont été questionnées. Le choix, politique et administratif, a été de les maintenir voire de les renforcer (Déclaration de politique régionale de septembre 2019 du Gouvernement wallon : il faut « consolider voire étendre la stratégie multicanale »).
Et quand il s’est agi, en prenant conscience des conséquences de l’arrêt ou de la réduction des activités et de l’angoisse produite, qu’il fallait venir en aide à la population, notamment sur le plan social, une collaboration accrue et inédite a vu le jour entre un outil public existant (le 1718, numéro d’appel unique) et un tissu de ressources du monde associatif piloté par le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté. Il n’eût jamais été possible de mettre ce dispositif en place en deux semaines, comme ce fut le cas, si les outils et les équipes, expertes chacune pour son rôle, n’avaient déjà existé en complément des outils numériques puissants qui couvraient la communication de masse et les réponses aux questions de base.
Nous vivons une époque de mutations profondes, qui génèrent beaucoup de souffrances mais aussi beaucoup d’espoirs : la solidarité, la complémentarité, l’attention à l’humanité qui ont émergé dans cette crise sanitaire peuvent s’affirmer comme guides des changements nécessaires. Le mouvement est fragile mais réel.
La solidarité, la complémentarité, l’attention à l’humanité qui ont émergé dans cette crise sanitaire peuvent s’affirmer comme guides des changements nécessaires.
Aux communicants aussi d’en entretenir la flamme, avec ténacité et détermination, à travers une communication pédagogique, inventive et multicanale, en associant et en intégrant les acteurs nécessaires à l’émergence d’un nouveau monde.